Solitude, drame ou connexion à l'âme ?

Certains de mes consultants sont seuls, vivent une transition seuls ou se sentent seuls.

Certains ont des enfants, d’autres sont en couple mais sans partager le même toit. Des choix subis ou assumés. Et puis il a aussi ceux qui sont à deux sans l’être vraiment. 

La solitude, parlons-en !

La solitude, c’est une came je connais depuis tellement longtemps que j’en ai mangé des tablettes de chocolat et des km de pensées tournées tantôt à l’agonie, tantôt en pause créative. Ce confinement l’a remise au-devant de la scène. Parfois, elle s’est déguisée en héroine de cinéma hyper glamour, en mode yoga, du genre « super je suis à la mode ma cocotte, je vais te connecter à la conscience individuelle et collective » et d’autres fois, en vieille copine à l’éternel peignoir délavé et aux chaussettes dépareillées qui te tend la dernière vache Milka plaquée sur le magazine Cosmo.

Lorsqu'elle est décidée ou ponctuelle, la solitude est souvent un moment de transformation intérieure. Mais au fond, même avec un niveau de conscience élevée, nous voilà confrontés à un moment donné à ce maudit mur de silence : J’me sens seul/e !

Il y a la solitude du leader dans sa tour d’ivoire qui doit annoncer ce plan de licenciement et celle de Joel, ce Sans Domicile Fixe sur son trottoir rue Passy, que personne ne voit. Il y a celle de mamie Geneviève, 84 ans dans son Epadh qui n’a pas vu ses petits-enfants depuis trop longtemps et celle de pépé Jean Claude, 67 ans qui se retrouve brutalement à la retraite après avoir travaillé 50 ans sans s'arrêter.

Celle de Patricia, veuve et mère de 3 enfants et sans emploi. 

Il y a aussi la tienne, Marie-Laure, derrière ton écran d’assistante de direction, coupée entre un manager toxique et un mari violent ; la tienne Pascal, après avoir entendu pendant 45 ans les rires moqueurs de tes camarades de classe et de tes collègues de travail face à ton bec de lièvre. La cicatrice intérieure sera plus longue à guérir.

Celle des larmes de Sophie infirmière lorsqu’elle rentre de son travail  de nuit pour préparer le petit déjeuner de ses 2 enfants après avoir envoyé un énieme email à son propriétaire pour lui promettre qu’elle payera son loyer ce mois-ci. En se demandant si c’était ça la vie, maman ? Nous pouvons applaudir autant que possible à nos fenêtres, Sophie ne parvient plus à en voir les étincelles. La solitude a gagné la bataille mais pas la guerre !

Celle de Pascal lorsqu’on lui annonce son cancer de la Gorge. La tienne Gilbert lorsque ton épouse est partie du jour au lendemain ou la tienne François après avoir été licencié. Compenseras-tu toi aussi cette violence subie comme ton père Patrick avec une bouteille ? La tienne aussi Gabrielle parce que tu n’es pas comme les autres dans ce lycée sectaire. La tienne Ilhan dans cette cour de récré où tout est noir ou blanc. 

Cette satanée solitude de Marcello, éloigné de sa famille d'origine depuis trop longtemps pour des raisons de survie professionnelle et dont la langue natale a un goût de coeur brisé.

J'en oublie. Il y a des situations plus que d’autres qui sont des catalyseurs d’une solitude terrible. Qui que vous soyez, chacun de vous qui se reconnaîtra dans ces situations, de grâce, appelez à l’aide, ne laissez pas l’impuissance et l’individualité gagner ! Il y aura toujours une autre personne pour qui votre solitude sera une opportunité de partage et d’élévation. Laissez-moi y croire.

Gabriel Garcia Marquez disait :

« J'ai appris qu'un homme a le droit de regarder quelqu'un de haut seulement quand il est en train de l'aider à se relever.... »

Il y a aussi cette solitude sans drame que nous portons toutes et tous au fond de nous. Lorsqu’il faut faire le grand pas devant Monsieur le Maire, oser dire non, devant son manager, devant ses parents, cette solitude qui prend la forme d’une boule dans le ventre ou lorsqu’on entend l’autre rire... la solitude face aux questionnements sans réponse, la solitude à la naissance et avant de mourir...

Celle face à la douleur, la vérité, la maladie, la peur de mourir oui, celle où vous sentez que personne ne peut se  mettre à votre place. Et puis celle que ce miroir nous renvoie dont on nie l’existence par un sursaut de suractivité !

La solitude instrumentée par les réseaux sociaux explose en ces temps de confinement. Oui, le bonheur des gens s’étale sur triple écran géant, à vous faire croire que tout le monde est heureux sauf vous ! Pire, le déni de solitude dégouline de sourires xxl, encouragée par les 50 000 followers qui likent chacune de vos photos ou parce que Tinder vous a fait un clin d'oeil ! Un monde fait d’apparence qui ne montre qu’un pan de réalité à un instant précis. Pire encore, les nouveaux outils nous permettent de couper, modifier les couleurs et peuvent même transformer les gouttes de pluie (j’adore soit dit en passant la pluie) en pluie d’étoiles à l’eau de rose : Oui, la joie est là, mais la vie est une alternance d’émotions, si tant que nous soyons connectés à nos émotions!

« Tout le monde veut vivre au sommet de la montagne, sans soupçonner que le vrai bonheur est dans la manière de gravir la pente ».

L’isolement fait du mal parmi beaucoup. Je bois ces post sur le burn out ou la dépression qu’enfin on ose poser. Il nous renvoie à ce que notre société a pu produire en masse de plus terrible : La solitude, oui, certains en crèvent !

Un sentiment de nullité, de ne pas être aimable ou capable de vivre ensemble face à l’image normée que nous impose les codes de la société. 

« Si le visage est le miroir de l’âme, les yeux en sont les interprètes » Soyons une société responsable et à l’écoute ce qui se passe autour de nous plutôt qu’une société culpabilisante et qui aime appuyer sur notre besoin de reconnaissance sociale. Qui juger si rapidement aux apparences.

Il n’y a rien de plus terrible que cette solitude entretenue à plusieurs. Une juxtaposition de solitudes qui crée des micro-drames humains. 

Porter la responsabilité de vivre sa solitude est un pas vers la maturité spirituelle et émotionnelle. Derrière ce mot vivre, il y a un cercle vertueux.

De la victimisation à l’action, un petit pas à franchir : prendre conscience qu’il faut s’ouvrir aux autres pour créer une relation. Il en va donc de notre responsabilité d’accueillir l’altérité dans notre monde. Se connaître davantage, identifier nos besoins, comprendre notre fonctionnement dans les schémas qui se répètent potentiellement, accepter la différence de l’autre sans jugement, s’ouvrir à l’autre et accepter que sa diversité touchera à plusieurs reprises notre ego. Se confronter à l'altérité est un véritable défi identitaire. Je ne connais personne qui a été véritablement heureux en tombant amoureux de son miroir.

Solitude, ma tendre amie, je te choisis face à l’agitation des esprits bruyants aux cœurs vides qui doivent se sentir véritablement seuls. Mais je préfère de loin te partager avec d'autres.

Cette magnifique solitude dont j’ai cru longtemps souffrir, je l’embrasse aujourd’hui avec gratitude car elle isole certes mais peut aussi ramener à l’essentiel : la reconnexion à sa propre individualité et à ses besoins. Mieux se connaître pour accueillir chaque autre dans sa propre individualité.

En fait, quand on y pense, nous ne sommes jamais vraiment seul/e, sauf face à soi-même ! Au fond, cette confrontation face à la solitude serait donc une confrontation avec soi ?

Ce temps de ralentissement nous appelle à accueillir notre humanité profonde. Le post- confinement se précise. Les questions s'emballent. Qu'allons-nous faire ? Relancer la production de cent ans de solitude ou créer un nouvel édifice de conscience individuelle et collective ? J'ai fait mon choix, et vous ?