Quintessence de la joie

Tandis que, suite à l’actualité qui m’a légèrement bousculée ces derniers jours, je m’apprêtais à me frotter de nouveau aux causes qui m’importent, une virgule de questionnement, après un échange avec un ami, est venue éclairer mon esprit assombri par ce sentiment d’impuissance du moment : 

Questionnement sur

la quintessence de la joie 

En réouvrant les livres de Frédéric Lenoir sur la Puissance de la Joie et Le Miracle Spinoza, en m’attachant à redécouvrir la pensée Spinoziste qui m’a fait vibrer intellectuellement plus d’une fois durant mes cours de Philo, me voilà exaltée par la prégnance de cette réflexion universelle sur la Joie et le Bonheur.

Je cite Frédéric Lenoir en ces mots : « Existe-t-il une expérience plus désirable que celle de la joie ? »

Fermons les yeux et connectons-nous à ce moment de joie intense ressentie. Observons ce qui se passe. Notre corps se détend, notre esprit s’évade vers une envie d’ailleurs ou de retrouver cet instant et peut-être même qu’un sourire s’esquisse. Étions-nous seul(e), accompagné(e), à l’extérieur, chez nous ou au bureau ?

Je m’ancre en premier lieu au dernier souvenir qui me lie à mes enfants et à ce sentiment de bien-être éphémère ressenti après une salve de rires. Je m’attache aussi à ce fou rire étouffé lors d’une visio-conférence il y a quelques jours.

Et vous, quelle vision vous traverse à cet instant de connexion ?

Rétrospectivement, la joie est un trigger qui m’a longtemps permis d’avancer, m’autorisant librement à rendre hommage aujourd’hui à cette expérience libératrice. Depuis l’enfance, la joie est sans doute l’émotion qui me caractérise le plus, s’approchant de l’état d’amour universel en grandissant. Perçue souvent comme une personne joyeuse, marquée par un sourire culturellement omniprésent aussi, trace identitaire d’une pensée positive (presque) à toute épreuve, parfois agaçante, parfois mal interprétée, un sauf-conduit énergisant imparable face aux difficultés.

La comparaison entre amour et joie pourrait apparaître trop rapide et soulever la controverse. Nous avons tous une vérité qui s’approche de notre réalité du moment, puisse-t-elle évoluer l’instant d’après. 

De facto, l’idée de ramener l’essence de la joie, pourtant liée à un mouvement intérieur agréable, transitoire et parfois imperceptible par soi et les autres, à toute progression humaniste m’enchante.

Mettre la palette des émotions dans une case unique a souvent été enfermant pour moi, combien même j’aborde ces concepts d’intelligence émotionnelle et connective aujourd’hui dans mon accompagnement.

Rappelons qu’une émotion est nécessaire pour avancer (ex-movere). Par définition dans toute transformation, l’émotion joue un rôle fondamental pour amener le désir de changement, rappelée dans la poésie du papillon.

Ressentir une émotion revient à un phénomène bref provoqué par un événement déclencheur et qui entraîne une réaction émotionnelle à plusieurs composantes :

Des hormones et neurotransmetteurs qui jouent un rôle fondamental dans la transmission des messages aux neurones essentiels à la sensation de bien-être psycho-corporel (ocytocine, dopamine, noradrénaline, sérotonine etc.., j'en oublie certainement et vous passe la quinine qui fait grand débat) à notre biologie comportementale, nous ne serions donc pas tous égaux face aux émotions et encore moins face à la Joie.

Psycho-corporellement, l’état joyeux mérite qu'on s'y arrête. Lorsque vous ressentez cette joie, qu’est ce qui se passe dans votre corps ? Comment cela se voit sur vous ? D'ailleurs, parvenez-vous à capter l’instant ?

La joie serait ainsi une émotion aux contours flous caractérisée en neurosciences par la présence de plusieurs facteurs endogènes (nous ne naitrions pas tous avec les mêmes doses de neurones mais avec les mêmes fonctionnalités) et exogènes (notre environnement devrait évidemment plus facilement influer sur notre humeur, ce qui reviendrait à subir la joie et non à l’activer en conscience.)

Je vous parle maintenant de la Joie avec un grand J. Celle de la philosophie taoïste, qui, toute humilité gardée, fait l’éloge du lâcher prise et de l’acceptation d’une destinée que nous pouvons influer par notre façon d’y faire face. Tout l’enjeu d’une participation active à notre harmonie.

Épictète disait: « Ne demande pas que ce qui arrive, arrive comme tu veux. Mais veuille que les choses arrivent comme elles arrivent, et tu seras heureux ».

Les neurosciences élisent la joie, le sentiment d’apaisement, de calme et la confiance en soi comme combinaison gagnante du cerveau du bonheur.

Baruch spinoza, il y a déjà 400 ans, envisageait la joie comme augmentation de la «force d’exister». De cet éloge de la joie dans son ouvrage Éthique, serait-elle l’expression psycho-émotionnelle de la démarche d’un meilleur rapport à soi-même et au monde ? Comment la « laetitia », qui apparaît comme un état fugace, volatile, pourrait-elle nous conduire au chemin du bonheur (beatitudo), état permanent ? Comme visée de la plénitude, graal suprême ?

Peut-on évoquer encore aujourd’hui une dichotomie entre le bonheur et la joie sans parvenir encore et toujours à cette même conclusion ? Dans l’équation du bonheur, Spinoza émettrait donc l’hypothèse que la joie serait une condition nécessaire à la béatitude et marquerait chaque étape du progrès éthique puisqu’elle est définie comme :

« passage par lequel l’esprit passe à un degré de perfection supérieur ».

Cette citation me revoit à celle de Jung que j’affectionne tout particulièrement et qui encourage tout individu à monter sur un plan de conscience supérieur face aux problématiques rencontrées.

A chercher l’équilibre entre ce qui dépend de nous et ce qui n’est pas de notre ressort mais nous affecte, entre le positif et nos pulsions négatives, entre son SOI intérieur et le monde extérieur, dans l’existence d’une joie inhérente à l’accès à la conscience et la sagesse. Le bonheur (la béatitude) serait un état éphémère qui se cherche, s'acquiert et s’équilibre. C’est donc ce que Spinoza appellerait la joie active ?

Spinoza n’était-il pas déjà un pionnier du miracle Quantique liant Corps et Esprit qui me rappelle ce principe de la loi de l’attraction ?

« La joie est en tout, il faut savoir l’extraire. » Confucius

Mes origines me guident aussi naturellement vers la philosophie Hindouiste qui, derrière ce sourire à la vie, rappelle l’étincelle divine que nous avons en chacun de nous et formant cette fameuse unité du monde (cet infini Tout fait d’esprit et de matière). L'Advaita Vedânta dans ce précepte hindouiste nous ramène à la pensée qui affirme l'identité de la conscience individuelle et universelle, dans laquelle l’être, par l’élargissement de conscience, accède à un état de paix et de joie absolues, délivré de tout sentiment de dualité, de peur face à l’incertitude ou de toute frustration.

Je vous le demande : Si elle est « un consentement à la vie » selon Frédéric Lenoir, si cette joie qualifiée de souveraine est en chacun, chacune de nous, inhérente au Tout, ne relèverait-elle pas finalement de l’art de se conquérir soi-même dans un processus d’évolution infini en dépit de, voire grâce aux éléments extérieurs ? Rien ne se crée, tout se transforme.

Pour finir ce début de réflexion, un morceau universel de reconnexion à soi et aux autres.